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Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/120

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blance, forment ainsi les genres et les espèces ; puis, arrivant même à distinguer entre eux les objets d’une même espèce, ils créent deux autres genres de mots, dont les uns expriment les qualités et les autres les rapports. Mais cette invention des adjectifs et des prépositions demandant une grande généralisation et une abstraction considérable, les progrès du langage deviennent alors plus difficiles et plus lents.

Smith constate partout, en effet, la difficulté de former, à l’origine des langues, des termes abstraits et généraux. Cette difficulté est déjà réelle pour les adjectifs, car les premiers hommes, par exemple, qui ont inventé les mots vert, bleu, rouge, et les autres noms des couleurs, ont eu besoin, dit-il, pour les trouver, d’observer et de comparer ensemble un grand nombre d’objets, de saisir leurs ressemblances et leurs dissemblances par rapport à la qualité nommée couleur, de les ranger dans leur esprit en différentes classes selon ces ressemblances et ces dissemblances. Un adjectif est, par sa nature, un mot général, et, en quelque sorte, abstrait ; il suppose nécessairement l’idée d’un certain genre ou d’une certaine collection de choses à chacune desquelles il est également applicable.

Mais, si l’invention des adjectifs présentait beaucoup d’obstacles celle des prépositions en offrait encore davantage. En effet, un rapport est en lui-même plus métaphysique qu’une qualité, et personne n’est embarrassé de dire ce que c’est qu’une qualité, tandis que peu de gens sont capables, au contraire, d’exprimer clairement ce qu’ils entendent par un rapport, car les qualités, dit l’auteur, sont presque toujours saisissables par nos sens extérieurs et les rapports ne le sont jamais. Aussi, si, au début, les hommes paraissent avoir, pendant quelque temps, évité la nécessité des adjectifs en variant la terminaison des noms des substances, selon qu’elles étaient elles-mêmes variées par leurs plus importantes qualités, ils ont cherché, à plus forte raison, à éviter l’invention plus difficile des prépositions ; c’est là l’origine des différents cas dans les langues anciennes où ils ont pour but d’exprimer le rapport qui existe entre l’objet du nom substantif et l’objet d’un autre mot compris dans la même phrase. Cette invention des cas était bien plus simple que celle des prépositions. « Il ne faut, en effet, aucun effort d’abstraction