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Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/122

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l’effet du mélange occasionné par celui des nations elles-mêmes. Tant qu’une langue fut parlée seulement par ceux qui l’avaient apprise dans leur enfance, la complication de ses conjugaisons et de ses déclinaisons ne pouvait les embarrasser beaucoup ; ils l’avaient apprise dans un âge si tendre et d’une manière si lente, tellement successive, que les difficultés qu’elle pouvait avoir leur étaient à peine sensibles. Mais quand deux nations furent mêlées ensemble par la conquête ou par l’émigration, il n’en fut pas de même ; chacune d’elles, pour se faire entendre par l’autre, fut obligée d’en apprendre la langue. La plupart des individus apprenant la langue nouvelle, non par art et par principe, mais par conversation et par routine, ils furent extrêmement embarrassés par la complication des conjugaisons et des déclinaisons. Pour remédier à cette ignorance, ils saisirent toutes les ressources que la même langue pouvait leur fournir. Ils suppléèrent ainsi aux déclinaisons, qu’ils ne savaient pas, par l’usage des prépositions ; et un Lombard, qui essayait de parler latin et qui avait besoin de dire que tel homme était citoyen de Rome ou bienfaiteur de Rome, s’il n’était pas accoutumé au génitif et au datif du mot Roma, s’expliquait naturellement en plaçant les prépositions ad et de avant le nominatif, et, au lieu de dire Romæ, il disait ad Roma et de Roma… Ce changement est une simplification de principes dans la langue : il mit, à la place d’une grande variété de déclinaisons, une déclinaison universelle qui est la même pour chaque mot, quels que soient le genre, le nombre ou la terminaison. – À l’aide d’un moyen semblable, les hommes purent, à la même époque du langage, se débarrasser de la complication de leurs conjugaisons. Il y a, dans chaque langue, un verbe connu par le nom de verbe substantif, en latin sum, en anglais I am, je suis. Ce verbe désigne, non un événement particulier, mais existence en général. Il est, par cette raison, le plus abstrait, le plus métaphysique de tous les verbes, et, par conséquent, n’a pas dû être un mot d’invention première. Lorsqu’il fut imaginé cependant, il avait tous les temps et tous les modes des autres verbes ; étant joint au participe passif, il pouvait tenir la place de toutes les modifications de la voix passive et rendre cette partie de leurs conjugaisons aussi simple et aussi uniforme que leurs déclinaisons l’étaient devenues par l’usage des préposi-