Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/147

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ment l’agriculture seule peut donner un produit net, si l’on entend par ces mots un excédent matériel ; assurément aussi le nombre des individus occupés à d’autres emplois est limité par la somme des aliments qu’elle produit, déduction faite des subsistances nécessaires à l’entretien de la classe agricole. Mais, conclure de ce fait qu’elle seule puisse contribuer à l’accroissement de la richesse générale, c’est là une question bien différente que Smith a tranchée fort exactement en démontrant que la valeur ne consiste pas dans la matière, mais dans l’utilité produite par le travail. Voilà quelle est l’importance de la doctrine du philosophe écossais et sa supériorité sur celle des économistes. Pour lui, il existe un produit net dans le commerce et l’industrie comme il en existe un dans l’agriculture : ces deux sortes de produits nets diffèrent seulement dans leur nature.

Toutefois, on a reproché à Adam Smith de ne pas avoir été toujours logique avec lui-même dans l’application du principe de l’immatérialité du travail et d’avoir provoqué une distinction regrettable entre le travail de l’ouvrier et les travaux intellectuels qui ne s’exercent pas sur la matière. Il est certain qu’en qualifiant d’improductifs les travaux de cette espèce, il a prêté à son tour le flanc aux critiques, mais nous ne croyons pas que ces critiques soient réellement fondées. Le célèbre économiste n’a pas prétendu nier l’utilité de ce que J.-B. Say a appelé depuis lors la production immatérielle, il a voulu seulement séparer cette production sui generis de la production matérielle à laquelle seule il donne le nom de richesses, et qui seule, selon lui, doit être l’objet de l’économie politique. Il n’entrait certainement pas dans la pensée de celui qui avait réhabilité le travail industriel et commercial de mettre en doute l’utilité du travail intellectuel, mais il tenait à délimiter nettement le champ de la science qu’il voulait fonder et à distinguer le travail qui a pour objet de transformer la matière de celui qui a pour objet de transformer le producteur, de transformer l’homme.

Ces deux sortes de productions ont, en vérité, certaines lois communes : l’extension de la classe qui fournit les services est réglée par la loi de l’offre et de la demande, tout comme celle de la classe qui fournit les marchandises, et les salaires pécuniaires de l’avocat, du savant, du médecin, de l’ingénieur, sont régis de