Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/149

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tient à réserver, dans la langue économique, le terme de production à la transformation matérielle qui consiste en des changements de forme ou de lieu et qui tombe tout entière dans le domaine de l’économie politique. Telle est, à notre sens, l’explication la plus vraisemblable de cette distinction, peu exacte dans ses termes, du travail productif et du travail non productif.

Nous ne pouvons d’ailleurs mieux faire, pour éclairer ce débat, que de citer en son entier le passage incriminé, car il nous a paru que, parmi ceux qui ont approuvé ou critiqué ce point de la doctrine du maître, il en est beaucoup qui semblent avoir perdu de vue l’ensemble même du texte discuté. « Il y a une sorte de travail, dit Smith[1], qui ajoute à la valeur de l’objet sur lequel il s’exerce ; il y en a un autre qui n’a pas le même effet. Le premier, produisant une valeur, peut être appelé travail productif ; le dernier, travail non productif. Ainsi, le travail d’un ouvrier de manufacture ajoute, en général, à la valeur de la matière sur laquelle travaille cet ouvrier, la valeur de sa subsistance et du profit de son maître. Le travail d’un domestique, au contraire, n’ajoute à la valeur de rien. Quoique le premier reçoive des salaires que son maître lui avance, il ne lui coûte, dans le fait, aucune dépense, la valeur de ces salaires se retrouvant en général avec un profit de plus dans l’augmentation de valeur du sujet auquel ce travail a été appliqué. Mais la subsistance consommée par le domestique ne se trouve nulle part. Un particulier s’enrichit à employer une multitude d’ouvriers fabricants ; il s’appauvrit à entretenir une multitude de domestiques. Le travail de ceux-ci a néanmoins sa valeur et mérite sa récompense aussi bien que celui des autres. Mais le travail de l’ouvrier se fixe et se réalise sur un sujet quelconque ou sur une chose vénale qui dure au moins quelque temps après que le travail a cessé. C’est, pour ainsi dire, une certaine quantité de travail amassé et mis en réserve pour être employée, s’il est nécessaire, à quelque autre occasion. Cet objet, ou, ce qui est la même chose, le prix de cet objet peut ensuite, s’il en est besoin, mettre

  1. Richesse, liv. II, ch. III (t. I, p. 410).