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applications. Il ne s’est pas contenté de démontrer l’erreur du système, il a pris successivement tous les privilèges, toutes les entraves dont on avait enchevêtré la production et l’échange, montrant avec une grande force comment ces règlements sont funestes à tous, bien qu’ils soient impuissants à atteindre le résultat particulier qu’ils se proposent d’obtenir. « Ces deux principes une fois posés, dit-il[1], que la richesse consistait dans l’or et dans l’argent, et que ces métaux ne pouvaient être apportés dans un pays qui n’a pas de mines que par la balance du commerce seulement, ou bien par des exportations qui excédaient en valeur les importations, nécessairement alors ce qui devint l’objet capital de l’économie politique, ce fut de diminuer autant que possible l’importation des marchandises étrangères pour la consommation intérieure et d’augmenter autant que possible l’exportation des produits de l’industrie nationale. En conséquence, les deux grands ressorts qu’elle mit en œuvre pour enrichir le pays furent les entraves à l’importation et les encouragements pour l’exportation. »

C’était là l’objet de ce que Smith appelait alors l’économie politique. Ce terme, en effet, avait ici un tout autre sens que celui que nous donnons maintenant à la science dont le philosophe de Glasgow a été lui-même l’un des plus illustres fondateurs. Pour l’auteur des Recherches, l’économie politique se proposait deux objets distincts[2] : le premier, de procurer au peuple un revenu ou une subsistance abondante, ou, pour mieux dire, de le mettre en état de se procurer lui-même ce revenu ou cette subsistance ; le second, de fournir à l’État un revenu suffisant pour le service public ; en un mot, elle se proposait d’enrichir à la fois le peuple et le souverain. Ainsi comprise, l’économie politique était un art, c’était une partie de la politique, une branche des connaissances du législateur et de l’homme d’État. Mais la terminologie a, depuis lors, repris ce mot dans un autre sens. Pour nous, l’économie politique est une science qui nous fait connaître les lois suivant lesquelles la richesse se produit, se consomme, se distribue, et qu’Adam Smith nous a

  1. Rich., liv. IV, ch. I (t. II, p. 30).
  2. Rich., liv. IV, Introduction (t. II, p. I).