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Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/226

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détails et fort intéressant. Il fait l’historique de chaque espèce de colonie, des colonies grecques fondées par des citoyens trop à l’étroit dans leur pays, des colonies romaines établies en pays conquis, des colonies implantées dans les Indes occidentales par les Espagnols et les Portugais attirés par la recherche de l’or, enfin des colonies plus modernes des Hollandais, des Français et surtout des Anglais lesquelles eurent pour objet la culture des terres sans maître.

Il montre comment l’exploitation des colonies par la mère-patrie avait toujours été jusqu’alors pratiquée sans scrupules ; il plaide avec chaleur la cause des colons, et il voudrait, dans l’intérêt même de la métropole, qu’on leur accordât une certaine autonomie, qu’on les laissât libres surtout de régler eux-mêmes leur législation douanière.

Quels sont donc, en effet, les avantages que l’on recherche d’ordinaire dans l’établissement des colonies ? Est-ce l’augmentation des forces -militaires de l’empire ? Mais Smith établit que les colonies anglaises ont été plutôt pour son pays une cause d’affaiblissement. Est-ce la possession d’un monopole exclusif de commerce ? Mais ce monopole même entraîne à la longue de graves inconvénients pour la mère-patrie, car, en empêchant les capitaux étrangers de s’employer dans la colonie, il force la métropole à fournir tous les fonds nécessaires ; il fait, en conséquence, hausser les profits et cause ainsi un grave malaise dans l’industrie du pays. Et ce n’est pas là, d’ailleurs, selon l’éminent philosophe, le seul inconvénient de cette pratique funeste : en détournant les capitaux nationaux de leurs emplois naturels pour les porter vers les colonies, le système mercantile a réduit la masse des petits commerces intérieurs, il a donné une extension anormale au commerce étranger et il a amené de la sorte une perturbation considérable dans la vie industrielle du pays. « Le commerce des colonies, dit Smith[1] en entraînant dans ce commerce une portion beaucoup plus forte du capital de la Grande-Bretagne que celle qui s’y serait naturellement portée, paraît avoir entièrement rompu cet équilibre qui se serait établi sans cela entre toutes les diverses branches de l’industrie bri-

  1. Richesse, liv. IV, ch. VII (t. II, p. 23).