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les plus policés ; puis, indiquant avec soin comment les arts qui contribuent à la subsistance et à l’accumulation de la propriété agissent sur les lois et sur le gouvernement pour y amener des progrès et des changements analogues à ceux qu’ils éprouvent.

Il est vraiment regrettable que nous ne possédions rien de plus complet sur ces leçons, qui durent être certainement très remarquables. Il eût été fort intéressant de voir le sagace observateur des causes de la Richesse des Nations s’efforçant « d’expliquer, comme il le dit lui-même[1], les principes généraux des lois et du Gouvernement, ainsi que les changements dont ils ont été l’objet aux différents âges de la société, non-seulement sous le rapport de la justice, mais encore relativement à la politique, aux finances, aux armées et aux divers aspects que la législation embrasse ». Peu de temps avant la mort du maître, on espérait encore que ce fameux manuscrit verrait le jour, et le Moniteur Universel du 11 mars 1790 annonçait même qu’il allait être publié sous forme d’un Examen critique de l’Esprit des Lois. Ce livre était, disait-on, le résultat de plusieurs années de méditations et promettait de faire époque dans l’histoire de la politique et de la philosophie. Malheureusement il ne parut pas : Smith mourut avant d’avoir réalisé son dessein et le manuscrit eut, suivant son désir, le sort de ses autres papiers.

Nous n’avons pas de plus amples renseignements sur sa Théologie naturelle. Nous savons, il est vrai, qu’il exposait, dans son cours, les preuves de l’existence de Dieu, de ses attributs, ainsi que les principes ou facultés de l’esprit humain sur lesquels se fonde la religion, et sa Théorie des sentiments moraux témoigne, dans plusieurs passages, de ses convictions profondes en l’immortalité de l’âme[2]. Néanmoins nous eussions aimé à connaître plus complètement la Théodicée du philosophe écossais, à la fois disciple d’Hutcheson et intime ami de Hume, car il eût été curieux de rechercher dans sa doctrine l’action de ces deux influences si opposées.

Il paraît, cependant, qu’il insistait peu sur cette partie de son cours. Là, en effet, il ne pouvait que suivre le sen-

  1. Théorie des sentiments moraux, VIIe partie, IVe section.
  2. Voir Théorie des sentiments moraux, p. 94 et 192.