Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/231

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peuvent se suffire à elles-mêmes, nous croyons qu’il n’est pas injuste alors de les faire participer aux frais généraux de la métropole et, au point de vue commercial, de conserver une certaine action sur la législation du pays afin de l’empêcher éventuellement de fermer ses ports aux produits européens au cas où des idées protectionnistes viendraient à y prévaloir.


Entraves à l’importation des marchandises étrangères, encouragements à l’exportation des produits nationaux au moyen de drawbacks, de primes, au moyen de traités de commerce et d’établissements coloniaux : tel est donc l’ensemble des mesures par lesquelles le système mercantile se proposait d’enrichir le pays. Cependant, il procédait autrement à l’égard des matières premières. Au lieu d’en entraver l’importation, il cherchait à la favoriser dans le but de permettre aux manufactures nationales de produire à meilleur marché ; il attirait donc du dehors les produits bruts, tantôt par des exemptions de droits, tantôt par des primes, et il en empêchait la sortie soit par des droits élevés, soit par des prohibitions absolues.

Pour faire respecter ces prohibitions, on avait établi une réglementation minutieuse donnant lieu à des vexations sans nombre et souvent appuyée de sanctions cruelles. Dans certains comtés de l’Angleterre, tout propriétaire de moutons, jusqu’à une distance de dix milles de la mer, devait, à peine d’amende et de confiscation, fournir à la douane, trois jours après la tonte, un état relatant le nombre de ses toisons et le lieu où elles étaient placées ; puis, avant d’en déplacer la moindre partie, il fallait qu’il déclarât le nombre et le poids de celles qu’il voulait enlever, le nom et la demeure de l’acheteur ainsi que le lieu où la livraison devait être faite. Pour les individus convaincus d’avoir exporté des brebis, des agneaux ou des béliers, les peines étaient terribles : aux termes du statut de la 8e année d’Élisabeth, ch. III, quiconque exportait des bêtes à laine devait, pour la première fois, avoir tous ses biens confisqués à perpétuité, subir un emprisonnement d’un an, et, au bout de ce temps, avoir la main gauche coupée, à un jour de marché ; en cas de récidive, il devait être reconnu coupable de félonie et puni de mort. À la vérité, ces peines étaient trop cruelles pour être appli-