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Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/243

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talent et de la faveur publique : c’est que ce sont eux qui ont gagné les gros lots dans cette vaste loterie où il y a tant de billets blancs. C’est le secret espoir de ces gros lots qui pousse tant d’étudiants à entrer dans le barreau ; c’est l’espoir des gros lots (les hauts grades) qui lance dans l’armée et la marine tant de jeunes gens ardents et remplis d’illusions. Comme l’a fort bien remarqué Smith, chacun est porté à croire à son étoile, et celui qui a dit que tout conscrit a son bâton de maréchal dans sa giberne, a, par ce mot seul, enflammé bien des imaginations et provoqué bien des enrôlements.

Telles sont les cinq circonstances qui, selon les Recherches, déterminent l’inégalité des salaires dans les différentes professions : la somme des avantages et des inconvénients est toujours la même, mais la rétribution pécuniaire varie suivant la nature des travaux, parce qu’elle a pour complément des considérations morales qui ont souvent une influence déterminante sur la répartition des individus entre les différents métiers. C’est cette variété des éléments du salaire qui fait régner l’harmonie dans la production en partageant les citoyens, suivant leurs goûts, leurs aptitudes et leurs besoins, entre les diverses professions.


Au sujet des profits, Adam Smith est moins net, parce qu’il a voulu comprendre à la fois sous la même dénomination l’intérêt, le loyer et le profit proprement dit.

Pour lui, le profit est l’intérêt du capital employé dans une entreprise et toute la portion du produit qui revient à l’entrepreneur, à quelque titre que ce soit[1].

Or, cette définition n’est pas assez rigoureuse. La même partie du produit ne doit pas changer de nom selon la personne à

  1. « Le revenu qu’une personne retire d’un capital qu’elle dirige ou qu’elle emploie, dit Smith, est appelé profit. Celui qu’en retire une personne qui n’emploie pas elle-même ce capital mais qui le prête à une autre, se nomme intérêt : c’est une compensation que l’emprunteur paie au prêteur pour le profit que l’usage de l’argent lui donne occasion de faire Naturellement une partie de ce profit appartient à l’emprunteur, qui court les risques de l’emploi et qui en a la peine, et une partie au prêteur qui facilite au premier les moyens de faire ce profit. »