Page:Delatour - Adam Smith sa vie, ses travaux, ses doctrines.djvu/320

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nationaux et jamais par l’étranger. Mais il n’a pas poussé plus loin son étude et il ne s’est pas attaché à montrer, comme il aurait pu le faire utilement ici, que le paiement de l’impôt destiné à acquitter les arrérages de la dette se résout en somme en une perte pour le contribuable sans un avantage corrélatif pour le rentier. M. Paul Leroy-Beaulieu, dans son remarquable, Traité des Finances, a établi d’une façon plus saisissante l’erreur de cette théorie : « Pour reprendre, dit-il, l’image de Melon, quand il y a emprunt, la main droite, c’est-à-dire le contribuable, passe son argent à la main gauche, c’est-à-dire au rentier ; quand il n’y a pas d’emprunt, chacune des deux mains reste pleine, aucune ne se dessaisit et cela vaut mieux. »

Des autres avantages que l’on a généralement trouvés aux emprunts, les uns sont également illusoires, les autres ont été au moins exagérés. C’est ainsi que les partisans enthousiastes des dettes publiques ont prétendu que ce sont les emprunts qui ont fait naître l’épargne. Or, posée en ces termes, cette proposition est inexacte : c’est le travail seul qui produit les richesses et c’est le sentiment de notre responsabilité qui nous détermine à différer la consommation d’une partie de ces richesses. Les emprunts, il est vrai, ont pour résultat de fortifier cette tendance et de consolider l’épargne ; mais, à ce point de vue même, ils ne sont pas sans dangers, car ils détournent en même temps cette épargne des emplois plus productifs où elle se dirigeait naturellement, et on attribue, non sans raison, au classement de nos grands emprunts une partie de la dépréciation qu’ont subie depuis dix ans en France les propriétés rurales. — De même, au point de vue politique, on a dit que les dettes publiques intéressent les rentiers au maintien de l’ordre de choses établi, mais cela n’est vrai qu’en apparence ; dès qu’on consulte l’histoire, on voit que ce n’est pas en s’endettant que l’État s’attache les citoyens d’une manière durable, et qu’au contraire c’est dans le bien-être général, dans l’accumulation des richesses qui accroît le taux des salaires, qu’un gouvernement doit chercher sa meilleure sauvegarde.


Il n’en faut pas moins reconnaître que le célèbre philosophe, trouvant l’arc courbé dans un sens, l’a trop recourbé en sens in-