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autres, l’un a toujours recherché les applaudissements de la multitude, et l’autre, de beaucoup le plus intelligent, a toujours montré la plus grande frayeur de la haine populaire, sans avoir pu réussir toutefois à l’éviter. On l’a toujours accusé aussi d’une tendance à la partialité et je le soupçonne d’avoir suivi, dans cette affaire, plutôt ses craintes et son penchant que les lumières de sa raison. Je pourrais en dire beaucoup plus sur ce sujet, mais je crains d’en avoir déjà trop dit. Je préférerais avoir, pour ma part, la solide réputation de votre respectable Président, bien qu’exposé aux insultes d’une populace brutale, plutôt que les applaudissements vains et frivoles qui leur ont jamais été accordés à l’un ou à l’autre. J’ai l’honneur d’être, Mylord, avec les plus hauts sentiments d’estime et de considération,

De Votre Seigneurie le très obligé et obéissant serviteur,

Adam Smith.


On voit donc qu’au commencement de l’année 1769, deux ans et demi après son retour en Angleterre, Adam Smith n’avait pas encore songé à abandonner son plan et qu’il préparait son histoire de la jurisprudence telle qu’il l’avait annoncée en 1759[1]. Pour lui, comme plus tard pour Guizot[2], la civilisation consiste dans le développement simultané de l’individu et de l’état social. Aussi, après avoir étudié la nature de l’homme dans la Théorie des sentiments moraux et la marche de son esprit dans les Essais philosophiques qu’il avait commencés, il voulait composer, comme seconde partie de son Histoire de la Civilisation, ce Traité du Droit dans lequel, il devait passer en revue les législations successives des peuples, dans le but de montrer leur influence réelle sur la marche de la société elle-même et de rechercher les principes généraux qui auraient dû servir de base

  1. « Je me propose d’établir dans un autre ouvrage, écrivait Smith, les principes généraux des lois et du gouvernement, et des différentes révolutions qu’ils ont essayées dans les différents âges de la société, soit relativement à la justice, soit à l’égard des finances, de la police, des armées, de tout ce qui peut être l’objet des lois. » Th. des sentim. moraux, VIIe partie, IVe section.
  2. Guizot. Histoire de la civilisation, en Europe. Paris, Didier, 12e édit., p. 94.