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mettant de suivre plus facilement la marche de l’esprit du célèbre philosophe. Nous eussions aimé à constater, par exemple, l’état des doctrines économiques de Smith telles qu’il les professait à Glasgow avant son voyage en France, et à les comparer à la Richesse des Nations, afin de comprendre toute l’influence que son séjour dans notre pays et sa fréquentation des physiocrates avaient exercée sur lui. En effet, malgré les efforts tentés par Dugald Stewart pour démontrer que le grand Écossais devait peu à la France et que toutes ses théories étaient élaborées dès 1752, nous avouons être peu convaincu de l’exactitude de cette affirmation et nous ne pouvons que remarquer au contraire que l’insistance témoignée par le Dr Smith pour faire détruire les manuscrits de ses cours sans permettre qu’on les lût, semble attester abondamment leur infériorité relative.

Nous n’entendons pas cependant reprocher au célèbre économiste sa détermination : l’auteur des Recherches ne devait pas laisser d’ouvrages indignes de lui, il devait à sa réputation de ne livrer à la postérité que des œuvres de haute valeur, et on ne saurait lui faire un crime d’avoir anéanti tout ce qui, à ses yeux, était capable de l’amoindrir. Nous ne méconnaissons pas davantage l’immense portée de la Richesse des Nations, ni les progrès considérables que l’auteur a fait faire à l’économie politique ; nous désirons simplement signaler l’exagération de certains biographes anglais qui ont été jusqu’à affirmer que, dès 1755 et même dès 1752, bien avant l’apparition des ouvrages de Quesnay, toutes les doctrines de leur compatriote étaient arrêtées dans son esprit, et qu’avant son voyage sur le continent, il avait déjà constitué de toutes pièces la science dont il devait développer les principes dans la Richesse des Nations.


Après que Smith eût ainsi détruit la plupart des productions de sa jeunesse, « son esprit fut tellement soulagé, dit Dugald Stewart, qu’il fut en état de recevoir ses amis, dès ce même soir, avec le même air de satisfaction qu’il avait coutume de le faire. » Néanmoins, il fut obligé de se retirer avant le dîner et il mourut, le 17 juillet 1790, emporté par une cruelle maladie d’intestins qui le minait depuis longtemps : il fut enterré à Édimbourg, au cimetière de Canongate.