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Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/107

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— Pour mettre en interdit la patrie opprimée,
Son droit ? — C’est le pouvoir. — Sa raison ? — Une armée.
— La nôtre est un peuple : marchons.

Ils marchaient, ils couraient sans armes,
Ils n’avaient pas encor frappé,
On les tue ; ils criaient : Le monarque est trompé !
On les tue… ô fureur ! Pour du sang, quoi ! des larmes !
De vains cris pour du sang ! — Ils sont morts les premiers ;
Vengeons-les, ou mourons. — Des armes ! — Où les prendre ?
— Dans les mains de leurs meurtriers :
A qui donne la mort c’est la mort qu’il faut rendre.

Vengeance ! place au drapeau noir !
Passage, citoyens ! place aux débris funèbres
Qui reçoivent dans les ténèbres
Les serments de leur désespoir !
Porté par leurs bras nus, le cadavre s’avance.
Vengeance ! tout un peuple a répété : Vengeance !
Restes inanimés, vous serez satisfaits.
Le peuple vous l’a dit, et sa parole est sûre ;
Ce n’est pas lui qui se parjure :
Il a tenu quinze ans les serments qu’il a faits.

Il s’est levé : le tocsin sonne ;
Aux appels bruyants des tambours,
Aux éclats de l’obus qui tonne,
Vieillards, enfants, cité, faubourgs,
Sous les haillons, sous l’épaulette,
Armés, sans arme, unis, épars,
Se roulent contre les remparts
Que le fer de la baïonnette
Leur oppose de toutes parts.
Ils tombent ; mais dans cette ville,
Où sur chaque pavé sanglant
La mort enfante en immolant,