Aller au contenu

Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Que disaient nos marins lui demandant raison
De sa tyrannie éternelle,
Quand leurs deux poings fermés menaçaient l’horizon ?
Que murmuraient les vents quand ils me parlaient d’elle ?
Ennemie implacable, alliée infidèle !
On citait ses serments de parjures suivis,
Les trésors du commerce en pleine paix ravis,
Aussi bien que sa foi sa. cruauté punique :
Témoin ces prisonniers ensevelis vingt ans,
Et vingt ans dévorés dans des cachots flottants
Par la liberté britannique !

Plus tard, un autre prisonnier,
Dont les bras en tous lieux s’allongeant pour l’atteindre
Par-dessus l’Océan n’avaient pas pu l’étreindre,
Osa s’asseoir à son foyer.
Ceux qui le craignaient tant, il aurait dû les craindre ;
Il les crut aussi grands qu’il était malheureux,
Et le jour d’être grands brillait enfin pour eux.
Mais ce jour, où, déchu, l’hôte sans défiance
Vint, le sein découvert, le fer dans le fourreau,
Ce jour fut pour l’Anglais celui de la vengeance :
Il se fit le geôlier de la Sainte-Alliance,
Et de geôlier devint bourreau !

Oui, du vautour anglais l’impitoyable haine
But dans le cœur de l’aigle expirant sous sa chaîne
Un sang qui pour la France eût voulu s’épuiser :
Car il leur faisait peur, car ils n’ont pu l’absoudre
D’avoir quinze ans porté la foudre
Dont il faillit les écraser.

Il ne resta de lui qu’une tombe isolée
Où l’ouragan seul gémissait.
En secouant ses fers, la grande ombre exilée
Dans mes rêves m’apparaissait.