Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/21

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Qui réveillaient naguère, au bruit de leurs succès,
Les siècles entassés au fond des pyramides.
Ah ! Fuyons ces bords meurtriers !
D’où te vient, Austerlitz, l’éclat qui t’environne ?
Qui dois-je couronner du peintre ou des guerriers ?
Les guerriers et le peintre ont droit à la couronne.

Des chefs-d’œuvre français naissent de toutes parts ;
Ils surprennent mon cœur à d’invincibles charmes :
Au déluge, en tremblant, j’applaudis par mes larmes ;
Didon enchante mes regards ;

Versant sur un beau corps sa clarté caressante,
À travers le feuillage un faible et doux rayon
Porte les baisers d’une amante
Sur les lèvres d’Endymion ;
De son flambeau vengeur Némésis m’épouvante ;
Je frémis avec Phèdre, et n’ose interroger
L’accusé dédaigneux qui semble la juger.
Je vois Léonidas. O courage ! O patrie !
Trois cents héros sont morts dans ce détroit fameux :
Trois cents ! Quel souvenir !… Je pleure… Et je m’écrie :
Dix-huit mille Français ont expiré comme eux !

Oui : j’en suis fier encor : ma patrie est l’asile,
Elle est le temple des beaux-arts :
À l’ombre de nos étendards,
Ils reviendront ces dieux que la fortune exile.
L’étranger, qui nous trompe, écrase impunément
La justice et la foi sous le glaive étouffées ;
Il ternit pour jamais sa splendeur d’un moment ;
Il triomphe en barbare et brise nos trophées :
Que cet orgueil est misérable et vain !
Croit-il anéantir tous nos titres de gloire ?
On peut les effacer sur le marbre ou l’airain ;
Qui les effacera du livre de l’histoire ?