Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/47

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« Le signal est donné de vaincre ou de mourir ;
Ma vie est mon seul bien, je l’offre à la patrie :
Liberté, je cours te l’offrir. »

Opprobre à tout guerrier dans la vigueur de l’âge,
Qui s’enfuit comme un lâche en spectacle au vainqueur,
Tandis que ce vieillard prodigue avec courage
Un reste de vieux sang qui réchauffait son cœur !
Sous les pieds des coursiers il se dresse, il présente
Sa barbe blanchissante,
L’intrépide pâleur de son front irrité ;
Tombe, expire ; et le fer, qu’il voit sans épouvante,
De sa bouche expirante
Arrache avec son âme un cri de liberté.

Liberté ! Liberté ! Viens, reçois sa grande âme !
Devance nos coursiers sur tes ailes de flamme ;
Viens, liberté, marchons. Aux vautours dévorants
Que nos corps, si tu veux, soient jetés en pâture :
Il est cent fois plus doux de rester dans tes rangs,
Vaincus, morts et sans sépulture,
Que de vaincre pour les tyrans.
Gloire à nous ! Gloire au courage !
Gloire à nos vaillants efforts !
A nous le champ du carnage !
A nous les restes des morts !
Rapportons dans nos murailles
Ceux qu’aux glaives des batailles
Le dieu Mars avait promis :
Citoyens, voilà vos frères !
Ils ont pour lits funéraires
Les drapeaux des ennemis.

Survivre à sa victoire, ô douce et noble vie !
Mourir victorieux, ô mort digne d’envie !