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Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/5

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de la vieille garde, et il flétrit avec amertume ces misérables querelles de parti qui livraient à l’étranger le sot de la France. Dès lors il mérita d’être appelé le poëte national, le poëte de la patrie. Il venait d’exprimer avec sa verve et son enthousiasme de jeune homme des regrets qui étaient au fond de tous les cœurs généreux ; il avait fait un acte de courage en se déclarant contre les vainqueurs, dans un temps où il y avait plus de bénéfice à les aimer que de prudence à les haïr.

Quand il vit le Musée dévasté, les barbares mettre le levier sous nos statues, et tes emporter comme.un butin de guerre, il protesta éloquemment contre ce sauvage abus de la victoire. Comme poëte, il adressa de touchants adieux à ces merveilles des arts, à ces dieux de la Grèce que la fortune exilait de leur patrie adoptive, à ces Muses qui penchaient devant l’ennemi leurs têtes abattues, à ce dieu des Neuf Sœurs, qui ne trouvait pas même un trait pour terrasser ces profanateurs. Comme citoyen, il rappela fièrement aux étrangers qu’ils pouvaient bien emporter des statues, mais qu’ils n’emporteraient pas nos titres de gloire, et qu’il fallait renouveler la face de l’Europe, s’ils voulaient y effacer nos champs de bataille et la trace des pas de nos armées.

Enfin, les étrangers quittèrent la France, et notre sol fut libre ; mais déjà les divisions des partis, le choc des ambitions rivales, l’avidité des faux serviteurs, répandaient quelques nuages sur le berceau de nos libertés renaissantes. On s’était vu à la veille d’un démembrement ; une carte de partage avait été dressée par les puissances envahissantes, et, si ce n’eût été le vieux respect qu’inspirait la plus glorieuse nation du monde, et la crainte d’une immense réaction, les princes auraient peut-être décidé autour d’une table verte que nous, serions traités