Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/70

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Ses palais, ses tombeaux, ses théâtres antiques,
Et les deux monts unis où gronde le Gardon
Sous un triple rang de portiques.

Elle me montre au nord ses murs irréguliers
Et leurs clochers pieux sortant d’un noir feuillage,
Où j’entendis gémir durant les nuits d’orage
Et la muse des chevaliers,
Et les spectres du moyen âge ;
Ses vieux donjons normands, bâtis par nos aïeux,
Et les créneaux brisés du château solitaire, ’
Qui raconte leur gloire, en parlant à nos yeux
De ce bâtard victorieux
Dont le bras conquis l’Angleterre.

Je la vois, cette France, agiter les rameaux
Du chêne prophétique adoré des druides ;
Elle couronne encor leurs ombres intrépides,
De la verveine des tombeaux,
Et chante les exploits prédits par leurs oracles,
Que, sous les trois couleurs, sous l’aigle ou sous les lis,
Vingt siècles rivaux de miracles
Par la victoire ont accomplis.

Puis, voilant sous des pleurs l’éclat dont son œil brille,
Elle m’invite avec douceur
A reprendre ma place au foyer de famille,
Et murmure les noms d’un père et d’une sœur…
Arrête, mon vaisseau, tu m’emportes trop vite.
Pour mes derniers regards que la France a d’attraits !
Quel parfum de patrie apporte ce vent frais !
Que la patrie est belle au moment qu’on la quitte !

Famille, et vous, amis, recevez mes adieux !
Et toi, France, pardonne ! Adieu, France chérie,
Adieu, doux ciel natal, terre où j’ouvris les yeux !