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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/10

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fleuve aux multiples affluents dont on suivait encore la couleur des eaux diverses », que réellement « on apercevait la métaphysique se faire sous nos yeux avec ses nombreuses révolutions » et que « la continuité de ces déductions protéiformes nous faisait comprendre les tendances secrètes d’une âme ethnique qu’il nous importe souverainement de connaître en son devenir et en ses hardiesses illimitées[1] ».

Cependant, nous ne devons pas être dupes de ce spectacle, comme s’il ne s’agissait que d’un jeu esthétique, d’un combat idéal, où les esprits ne semblent se pourfendre que pour exciter de nouvelles énergies. Si Delbos, s’effaçant lui-même, ne prend jamais parti, ce n’est pas seulement parce qu’avec la plus sincère modestie il se défie de ses propres initiatives intellectuelles, mais c’est parce qu’il réserve à la lente, complexe et intégrale logique de l’histoire réellement vécue le soin de révéler les valeurs de vérité et de vie à longue échéance.

Il cherche en toute objectivité à expertiser la portée et les résultats d’une spéculation qui, constructive dans l’abstrait, prétend rejoindre, dominer, fabriquer même la réalité concrète dans une philosophie de la nature, de l’histoire et de l’esprit. Aussi Delbos excelle-t-il à mettre en lumière à la fois ce qui, dans chaque système successivement considéré, aspire à clore la doctrine comme en un cycle définitif ; ce qui la rouvre aussitôt sur

  1. Dans les articles de Victor Delbos sur « l’objet, les règles et les conditions scientifiques de l’histoire de la philosophie », qu’il m’a été donné de publier dans la Revue de Métaphysique et de Morale, on trouvera une méthodologie spécifiquement adaptée à la science historique de la philosophie dont le présent ouvrage est une exemplaire application.