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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/114

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de l’esprit (1806). Dans la préface de la Phénoménologie, Hegel reproche à Schelling que le passage du principe du système aux propositions particulières ne s’opère pas en vertu d’une nécessité rigoureusement comprise, qu’au lieu d’une manifestation et d’une expansion spontanées de l’Absolu on trouve une façon arbitraire et artificielle d’opérer, au moyen de deux concepts, le concept de l’idéal et le concept du réel : il semblerait que l’on ait affaire à un peintre qui ne disposerait que de deux couleurs, l’une rouge, l’autre verte, pour représenter d’une part une scène d’histoire, de l’autre un paysage. Et cela tient à ce que l’Absolu, tel que le conçoit Schelling, est une sorte d’universel abstrait dépourvu de différences, qu’au lieu d’être la lumière qui dessine nettement les contours des objets il est la nuit où tout se confond, la nuit où tous les chats sont gris, où, — selon la lettre du proverbe allemand, — toutes les vaches sont noires. Il faut comprendre l’Absolu comme sujet, c’est-à-dire dans le sens que Hegel donne à ce mot, comme puissance spontanée de différenciation et de réalisation ; il faut le comprendre essentiellement comme résultat, en d’autres termes se bien représenter qu’il est seulement à la fin ce qu’il est dans sa vérité, qu’il est ce qui se réalise par son développement même. Et, d’autre part, pour la prise de possession de l’Absolu par nous, il faut écarter toutes les facultés privilégiées d’intuition intellectuelle, d’inspiration exceptionnelle, ne pas se contenter d’affirmer l’identité absolue, mais la démontrer rigoureusement dans sa nécessité et par des procédés de démonstration qui vaillent pour tous (voir Phénoménologie, Préface). Mais précisément pour établir la vérité de la connaissance absolue dans