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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/143

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déterminé par le Non-Moi, une question reste à résoudre, — une question que la partie théorique de la Doctrine de la Science ne résout pas : c’est la question de savoir pourquoi le Moi met en conflit au sein de lui-même les deux sortes d’activités, pourquoi il fait naître en lui ce choc qui est la condition d’apparition des facultés représentatives. — La réponse à cette question ne peut être faite du point de vue théorique, car le point de vue théorique consiste précisément à supposer ce que l’on demande d’expliquer. Cependant il nous faut trouver la raison pour laquelle l’activité infinie du Moi se limite : sans quoi la Doctrine de la Science n’aurait pas de base solide. Or, nous avons vu que le principe de la partie pratique de la Doctrine de la Science est celui-ci : le Moi pose le Non-Moi comme déterminé par le Moi. Le Moi en lui-même est absolu, il a une activité infinie ; mais une puissance qui va d’elle-même et comme directement à l’infini n’a aucune efficacité causale. Pour que le Moi acquière cette efficacité, pour qu’il devienne pratique, il faut qu’il suppose des forces de résistance et qu’il ait ainsi à les surmonter ; et ce sont ces forces de résistance qui constituent le Non-Moi. Il n’y a pas d’action possible sans un monde comme objet de l’action ; il n’y a pas de monde possible sans une conscience qui le représente ; il n’y a pas de conscience sans réflexion du Moi sur lui-même, pas de réflexion sans limitation, sans choc, sans Non-Moi. Ainsi est déduit le choc. Le Moi, théoriquement, se pose des limites pour avoir pratiquement à les surmonter. Ainsi est établi, en d’autres termes, le primat kantien de la raison pratique sur la raison spéculative.

En indiquant ainsi la marche générale de la