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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/33

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critique : « La Métaphysique, est-il dit dans les Rêves d’un visionnaire (1766), est une science des limites de la raison humaine. »

Ainsi la connaissance rationnelle du réel telle que le Wolffianisme l’a entendue sous le nom de Métaphysique apparaît à Kant dans cette période comme de plus en plus impossible, et cela par une impuissance de l’esprit à trouver en lui-même de quoi comprendre le réel. Mais remarquons que cette impuissance résulte surtout de la nature purement logique attribuée par le Wolffianisme à la raison : et certes cette impuissance eût été peut-être pour Kant le dernier mot de sa pensée, s’il n’avait été averti par ailleurs de la nécessité, en quelque sorte, de différencier et d’approfondir la raison pour lui attribuer une nature autre que simplement logique. — D’où est venu à Kant cet avertissement ? De l’existence de cette philosophie naturelle, de cette science de la nature, dont Newton a fourni le modèle, qu’il a considérée immédiatement comme réalisant l’idéal de la certitude scientifique, et qu’il a un moment laissée plus ou moins coexister dans sa pensée avec la Métaphysique wolffienne. La science de la nature, comme l’a comprise Newton, est certaine pour Kant ; et cependant, dès que l’on veut tenter de cette science la justification rationnelle qui en constituerait la Métaphysique, les difficultés abondent. Cette science se compose de géométrie et d’expérience ; or de bonne heure Kant a aperçu l’antinomie qu’il y a entre les exigences de la géométrie et les requêtes de l’expérience physique : la géométrie nous représente inévitablement un monde continu, divisible à l’infini, infini dans le temps et dans l’espace, tandis que l’expérience physique suppose des forces, de la