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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/35

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tère que doit présenter la Métaphysique, et c’est à nous d’apprendre de la Critique si, comment et dans quel domaine la Métaphysique est possible.

Or la Critique nous apprend que, des deux sortes de Métaphysique concevables, l’une est légitime, l’autre non. Celle qui est légitime, c’est celle qui fonde la science de la nature, et celle qui fonde la moralité ; et pourquoi ? Parce que si l’esprit est constitué par des concepts purs, indépendants de l’expérience, il ne peut cependant faire de ces concepts qu’un usage immanent, c’est-à-dire qu’il ne peut les appliquer qu’à des objets qui lui soient donnés dans l’intuition sensible, ou qui lui soient réalisables par sa liberté : l’illusion dogmatique consiste à croire qu’avec des concepts de ce genre on peut atteindre des choses en soi ; mais une connaissance a priori des choses en soi supposerait une intuition intellectuelle et une puissance créatrice qui a été refusée à l’esprit humain, et dans l’état de l’esprit humain une connaissance a priori implique une relation de l’objet à la raison qui lui impose les conditions sous lesquelles cet objet est connaissable. De telle sorte que si une Métaphysique de la nature est possible, parce que la nature peut être conçue comme un ensemble de phénomènes donnés à l’esprit, une Métaphysique portant sur des objets supra-sensibles est, comme connaissance théorique, complètement impossible : des choses en soi ne pourraient se laisser déterminer par notre raison sans cesser d’être en soi : ce qui n’empêche pas au reste que les choses en soi existent comme fondement de l’apparition des phénomènes, et que leur existence, autant que notre incapacité de les connaître, servent à marquer les limites de notre raison.