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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/37

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chez Kant avant tout par ses réflexions sur la philosophie naturelle et les moyens de la fonder, cette raison n’est pas pour lui quelque chose d’absolument neuf par rapport à la raison en général qu’ont considérée les métaphysiciens : elle en est, si l’on peut dire, une spécification définie et directement efficace pour la connaissance, mais qui laisse subsister la tendance à étendre les concepts hors de l’usage qu’elle en fait ou à former d’autres concepts qui lui sont transcendants. Tous les concepts que forme la raison en général doivent avoir une destination : s’ils ne servent pas à constituer directement la connaissance, ils lui présentent un idéal qui lui rappelle à la fois ses limites et la nécessité d’un perpétuel effort ; s’ils ne servent pas à établir un savoir théorique, ils sont susceptibles de recevoir une détermination pratique, comme le concept de Dieu, de liberté. D’où alors chez Kant la nécessité de différencier la raison ; si d’une part l’entendement et la sensibilité ont été rigoureusement distingués, et d’abord pour résoudre les conflits intestins de la science de la nature, l’entendement et la raison au sens strict sont distingués à leur tour, et ceci pour sauvegarder le droit traditionnel de la raison à l’affirmation du suprasensible ; et cette affirmation, si elle reste pour Kant théoriquement impossible à déterminer, reste cependant pratiquement déterminable, au point même que la raison pratique conquiert la primauté sur la raison théorique. Aussi, dans la doctrine de Kant, la distinction des divers pouvoirs de la raison, issue en principe de l’esprit critique, sert à établir une extension de la raison au point de vue pratique, hors des limites de la connaissance spéculative.