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Page:Delbos - De Kant aux postkantiens, 1940.djvu/40

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qu’est-ce dans la doctrine de Kant que la chose en soi, sinon l’objet d’une affirmation injustifiable, en contradiction avec les exigences de la Critique ? Et une fois la doctrine débarrassée de cet inutile résidu, ne trouvons-nous pas en elle de quoi la pousser tout naturellement vers une Métaphysique nouvelle ? Kant, par exemple, a commencé par distinguer radicalement la sensibilité et l’entendement : mais n’a-t-il pas ensuite rétabli la continuité entre eux par sa théorie de l’imagination transcendantale, n’a-t-il pas même affirmé que ces deux facultés sont comme deux souches parties d’une racine commune, quoique inconnue de nous ? Kant a limité la science théorique à celle qui résulte de l’application des catégories à l’expérience : mais en élevant la raison proprement dite au-dessus de l’entendement, en lui assignant la faculté de concevoir, par une régression vers l’inconditionné, des objets en idée, n’a-t-il pas préparé à admettre que sa Critique ne visait que le dogmatisme des doctrines obsédées par l’idolâtrie de l’entendement, et que la raison proprement dite pouvait devenir la source d’une spéculation plus haute dépassant les limites d’un entendement fini lié à l’expérience ? Kant a distingué la raison théorique et la raison pratique et admis une simple primauté de la raison pratique sur la raison spéculative ; mais n’a-t-il pas déclaré que les deux raisons n’en sont au fond qu’une considérée seulement dans deux usages distincts ; et en affirmant que l’idée pratique de la liberté est la clef de voûte de tout le système de la raison pure, y compris la spéculative, n’a-t-il pas disposé à convertir la suprématie de la raison pratique sur la raison spéculative en rapport de causalité, ou de condition à conditionné ?