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Page:Delbos - La Philosophie francaise 1919.djvu/171

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VOLTAIRE

tion est l’instrument de son bonheur, non le ressentiment de sa misère. Voltaire s’applique donc à effacer de la nature humaine les traces et les raisons d’une inquiétude qui la porterait d’elle-même vers le problème religieux ; et particulièrement il dénonce dans la prétendue duplicité de l’homme « une idée aussi absurde que métaphysique ». (Éd. Lanson, t. II, p. 190 : V. lettre à La Condamine, 22 juin 1734 ; — lettre au Père Tournemine, 1735.) Ainsi aux premières manifestations de l’activité philosophique de Voltaire se trouvent liées une critique et une tentative de réfutation de Pascal ; elles se trouvent liées également aux dernières ; car, en 1778, à la veille de sa mort, Voltaire publie à Genève l’édition des Pensées qu’avait donnée Condorcet en 1776 et dans laquelle Condorcet avait inséré les remarques de Voltaire : Voltaire y ajoute de nouvelles remarques, moins appuyées que les précédentes sur le naturalisme optimiste des premières, davantage sur l’idée du progrès de la science.

Les Lettres philosophiques nous montrent Voltaire muni de tout l’essentiel de sa philosophie : opposition à Descartes et à Pascal, à la métaphysique rationaliste, à la physique absolument mécaniste, à la représentation dualiste de la nature humaine, et au christianisme ; un fond positif de notions empruntées à Locke, à Newton et au déisme anglais. Tout cela va s’exprimer chez lui, se reproduire, se varier, sans s’approfondir, au gré des circonstances et de sa curiosité ; tout cela va prendre air, forme et influence par les prodigieuses ressources de son esprit, rapide et pénétrant, mais seulement à la manière d’une flèche.

Bornons-nous à passer en revue quelques-unes des théories philosophiques de Voltaire sans en suivre les innombrables variations.

Une des idées sur lesquelles il revient le plus souvent, c’est l’idée des bornes de l’esprit humain. Mais cette idée qui doit arrêter bien des affirmations, beaucoup plus d’ailleurs que la curiosité même, ne s’accompagne