Cette exposition du principe de la séparation des pouvoirs précède immédiatement l’analyse si pénétrante et si vigoureuse que Montesquieu donne du mécanisme de la constitution d’Angleterre, et qui eut tant d’influence sur les législateurs de la Constituante pour avoir fait connaître à la France le système du gouvernement représentatif, inconnu des anciens. Il voit dans cette constitution la meilleure garantie de la liberté politique. Peut-être estime-t-il qu’elle tient sa perfection des emprunts qu’elle fait aux diverses sortes de gouvernements et de la façon dont elle combine ces éléments empruntés. « C’est une monarchie sans doute, mais qui a ce caractère spécial d’avoir la liberté pour objet direct ; tandis que les autres monarchies ne tendent directement qu’à la gloire des citoyens, de l’État et du prince. Mais de cette gloire il résulte un esprit de liberté qui peut faire d’aussi grandes choses ; et de plus, si les trois pouvoirs n’y sont pas distribués sur le modèle de la constitution anglaise, ils peuvent être disposés de façon à approcher plus ou moins de la liberté politique. » (Livre XI, chap. vii.) Certes il dégage de la constitution anglaise, avec une remarquable sagacité dans l’abstraction, les caractères qui la rendent assimilable à d’autres États ; mais on ne peut pas lui prêter le vœu de la voir transplantée en France. Rappelons la maxime qu’il a énoncée au Livre premier de l’Esprit des Lois : « Les lois doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c’est un très grand hasard si celles d’une nation peuvent convenir à une autre. » (I, chap. iii.)
En tout cas, ce qui est essentiel dans la doctrine de Montesquieu, c’est la corrélation qu’il établit entre chaque espèce de gouvernement et les lois de ce gouvernement. Il y a des rapports qui dérivent de la nature des choses et qui font que non seulement les lois politiques, mais encore les lois civiles et criminelles, mais encore le régime d’éducation, le régime