lement, mais que ce ne sera en réalité que pour prendre une autre forme et que les différentes formes continueront ainsi indéfiniment à se succéder les unes aux autres ? (LVIII, p. 57-58).
Si maintenant nous faisons abstraction des préoccupations étrangères à l’ordre de la science et plus ou moins directement hostiles à la religion qui ont pu exercer une influence sur l’orientation de la pensée de Diderot, que faut-il voir en fin de compte dans l’hypothèse qui vient d’être énoncée ? Cette tentative d’explication nous met visiblement en présence d’une conception transformiste. Mais, ici encore, il faut bien se garder de conclure inconsidérément à la réalité profonde d’analogies qui ne peuvent d’ailleurs manquer de s’offrir spontanément à l’esprit. Venu avant Lamarck, Diderot semble l’annoncer : mais, à dire vrai, il le précède beaucoup plus qu’il ne le prépare. En évoquant l’idée de la transformation successive des êtres vivants à partir d’un premier organisme embryonnaire, c’est surtout un tableau qu’il trace et une description à laquelle il se livre sous l’empire d’une imagination très vive. Ce ne sont point là les premiers linéaments de la doctrine positive dont Lamarck sera le véritable fondateur et qu’il s’attachera à développer en obéissant aux exigences de l’esprit scientifique. Dans ce nouvel ordre d’idées Diderot n’est, une fois de plus, et cela avec beaucoup d’autres, qu’un homme d’intuition tout simplement. Il n’a certainement pas fait et il était sans doute incapable de faire une théorie proprement dite, c’est-à-dire une hypothèse de caractère scientifique, en faveur ou à l’encontre de laquelle on puisse chercher et trouver dans l’expérience des arguments qui la confirment ou qui l’infirment ; ou alors, si l’on veut à tout prix apercevoir dans la peinture que propose Diderot d’une évolution universelle et sans limites les principes directeurs du transformisme scientifique, il faudra dire que cette doctrine généralement regardée comme moderne existait déjà dans la plus