société politique, ne peut être qu’un don de Dieu. Sur la façon dont le don s’est fait Bonald ne s’explique pas, par principe : il suffit de montrer la nécessité de cette origine du langage et de l’écriture. Avec la parole Dieu a donné à l’homme des vérités, des maximes de croyance et des règles de conduite, des lois pour ses pensées et pour ses actions. La parole primitive a pu subir des altérations du fait des passions humaines : mais, tout autant qu’elle se développe suivant la loi sociale que la raison divine lui assigne, elle continue à révéler la vérité. Par la parole, au lieu de penser par opinion et d’agir par individualité, nous pensons par sentiment et nous agissons socialement : nous pensons et nous agissons en Dieu.
La théorie du langage constitue dans la philosophie de Bonald la plus importante de ses vues sur l’esprit humain. L’ensemble de sa conception affecte un caractère spiritualiste en même temps que social. La preuve en est dans la définition qu’il donne de l’homme en qui il voit « une intelligence servie par des organes ». Il fait visiblement effort pour opérer la liaison du traditionalisme et du rationalisme au nom même de la vérité religieuse. « On nous a contesté la raison lorsque nous n’opposions que la foi ; on nous contestera peut-être la foi lorsque nous opposerons la raison, parce qu’on ne sait pas que, pour toute connaissance, même profane, la foi précède la raison pour la former, et que la raison suit la foi pour l’affermir. » (Législation primitive, liv. II, chap. xx, t. III, p. 143.)
En somme, Bonald manifeste un sens remarquablement net de l’insuffisance de l’individualisme ; mais l’effort qu’il tente pour corriger et pour mater la tendance individualiste est institué du dehors. Il a une notion trop pauvre de l’esprit et une notion trop indéterminée des rapports réciproques de la vérité, de l’autorité et de la justice qu’il considère volontiers comme extérieures aux personnes humaines. Aussi n’arrive-t-il pas à marquer le point de raccord où la personnalité donnée