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Page:Delbos - La Philosophie francaise 1919.djvu/91

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PASCAL

tout leur bien ; ce sont gens qui savent ce chemin que vous voudriez suivre, et guéris d’un mal que vous voulez guérir. Suivez la manière par où ils ont commencé : c’est en faisant tout comme s’ils croyaient, en prenant de l’eau bénite, en faisant dire des messes, etc… Naturellement même cela vous fera croire et vous abêtira. » (Ibid., p. 153.) Mais en s’abêtissant, puisque Pascal a dit le mot, l’homme qui aspire à croire réalise par des procédés contraires à la raison ce qui en somme est démarche raisonnable : si Pascal a vu profondément la part de l’automatisme dans une croyance qui doit pénétrer tout l’homme, et l’utilité même de l’automatisme pour incliner l’âme vers Dieu, il n’a point songé à édifier sur cette seule base matérielle tout le système de la religion chrétienne, pas plus qu’il n’avait songé à l’appuyer sur la seule considération de l’intérêt ; car il dira : « C’est être superstitieux, de mettre son espérance dans les formalités. » (Section IV, 249.) Au surplus l’homme qui a pris le parti de pratiquer a pris du même coup le parti de dominer ses passions ; et ainsi de plus en plus il devient fidèle, honnête, humble, reconnaissant, bienfaisant, ami sincère. Et en même temps il éprouve de mieux en mieux que son gain est certain et que ce qu’il a sacrifié pour un bien infini n’est rien. (Section 111, 233.) C’est entre l’infini et rien qu’il a donc eu, dans le fond, à opter.

Ainsi s’éveille l’intérêt pour la Religion et le désir qu’elle soit vraie. Mais l’est-elle, et comment prouver qu’elle l’est ?

Le fondement de la preuve doit être la considération de la nature humaine. Car la Religion, si elle est vraie, est faite pour l’homme, et elle doit par conséquent se rapporter à la nature humaine beaucoup plus qu’à la nature universelle. Comment donc apparaît la nature humaine quand on l’observe impartialement et complètement ? Elle apparaît mobile, changeante, mais telle surtout parce qu’elle est pleine de contra-