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LES FABLES


L'HOMME ENTRE DEUX AGES ET SES DEUX MAITRESSES (I, 17).

 
Un vieillard fut qui grisonnoit
Amoureux de deux concubines,
Toutes deux mauvaises et fines,
Auxquelles il s’abandonnoit.
L’une vieille, l’autre jeunette :
L’une faulse, l’autre saffrette.
Quand la jeune le peut tenir
Oste le poil blanc qui la fasche :
La vieille tout le noir arrache,
Et le force à chauve devenir.

(Baïf, Mimes, II, 203, Blanchemain.)


Cette fable a inspiré à Bernardin de Saint-Pierre une réflexion assez piquante : « De nos jours, ne voyons-nous pas comme chaque parti détruit la réputation et les opinions du parti qui lui est opposé ? Le genre humain est, entre la religion et la philosophie, comme le vieillard de la fable entre deux maîtresses de différents âges. Toutes deux voulaient le coiffer à leur mode ; la plus jeune lui enlevait les cheveux blancs qui lui déplaisaient ; la vieille, par une raison contraire, lui ôtait les cheveux noirs : elles finirent par lui peler la tête. »

(Études de la nature, VIIe.)