Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/101

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Que j’aime le mortel, noble dans ses penchans,
Qui cultive à la fois son esprit et ses champs !
Lui seul jouit de tout. Dans sa triste ignorance
Le vulgaire voit tout avec indifférence :
Des desseins du grand être atteignant la hauteur,
Il ne sait point monter de l’ouvrage à l’auteur.
Non, ce n’est pas pour lui qu’en ses tableaux si vastes
Le grand peintre forma d’harmonieux contrastes.
Il ne sait pas comment, dans ses secrets canaux,
De la racine au tronc, du tronc jusqu’aux rameaux,
Des rameaux au feuillage accourt la sève errante ;
Comment naît des cristaux la masse transparente,
L’union, les reflets et le jeu des couleurs.
Étranger à ses bois, étranger à ses fleurs,
Il ne sait point leurs noms, leurs vertus, leur famille.
D’une grossière main il prend dans la charmille
Ses fils au rossignol, au printemps ses concerts.
Le sage seul, instruit des lois de l’univers,
Sait goûter dans les champs une volupté pure :
C’est pour l’ami des arts qu’existe la nature.
Vous donc, quand des travaux ou des soins importans
Du bonheur domestique ont rempli les instans,