Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le poëte y conçoit de plus sublimes chants :
Le sage y voit des mœurs les spectacles touchans.
Des siècles autour d’eux ont passé comme une heure,
Et l’aigle et l’homme libre en aiment la demeure ;
Et vous, vous y venez, d’un œil observateur,
Admirer dans ses plans l’éternel créateur.
Là le temps a tracé les annales du monde.
Vous distinguez ces monts, lents ouvrages de l’onde ;
Ceux que des feux soudains ont lancés dans les airs,
Et les monts primitifs nés avec l’univers ;
Leurs lits si variés, leur couche verticale,
Leurs terrains inclinés, leur forme horizontale ;
Du hasard et du temps travail mystérieux !
Tantôt vous parcourez d’un regard curieux
De leurs rochers pendans l’informe amphithéâtre,
L’ouvrage des volcans, le basalte noirâtre,
Le granit par les eaux lentement façonné,
Et les feuilles du schiste et le marbre veiné.
Vous fouillez dans leur sein, vous percez leur structure,
Vous y voyez empreints Dieu, l’homme et la nature :
La nature, tantôt riante en tous ses traits,
De verdure et de fleurs égayant ses attraits ;
Tantôt mâle, âpre et forte, et dédaignant les grâces,
Fière, et du vieux chaos gardant encor les traces.
Ici, modeste encore au sortir du berceau,
Glisse en minces filets un timide ruisseau ;