Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/133

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Tantôt de ces beaux lieux, de ces plaines fécondes,
Portez-nous dans les champs sans verdure, sans ondes,
D’où s’exile la vie et la fécondité.
Peignez-nous, dans leur triste et morne aridité,
Des sables africains l’espace solitaire,
Qu’un limpide ruisseau jamais ne désaltère :
Que l’ardeur du climat, la soif de ces déserts,
Embrase vos tableaux et brûle dans vos vers ;
Que l’hydre épouvantable à longs plis les sillonne ;
Que, gonflé du poison dont tout son sang bouillonne,
L’affreux dragon s’y dresse, et de son corps vermeil
Allume les couleurs aux rayons du soleil.
Livrez à l’ouragan cette arêne mouvante ;
Que le tigre et l’hyène y portent l’épouvante,
Et que du fier lion la rugissante voix
Proclame le courroux du monarque des bois.
Tantôt vous nous portez aux limites du monde,
Où l’hiver tient sa cour, où l’aquilon qui gronde
Sans cesse fait partir de son trône orageux
Et le givre piquant et les flocons neigeux,
Et des frimats durcis les balles bondissantes,
Sur la terre sonore au loin retentissantes.
Tracez toute l’horreur de ce ciel rigoureux ;
Que tout le corps frissonne à ces récits affreux.
Mais ces lieux ont leur pompe et leur beauté sauvage :
Du palais des frimats présentez-nous l’image ;