Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/14

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Il n’est que trop vrai que quelques genres privilégiés, la tragédie et la comédie, les romans, et les poësies nommées fugitives, ont long-temps exercé presque exclusivement tous nos poëtes ; les gens du monde, de leur côté, ne se sont guère occupés d’aucun autre genre de poësie. Aussi, tandis que nos voisins se glorifioient d’une foule de poëmes étrangers au théâtre et à la poësie légère, notre indigence en ce genre étoit extrême, et quelques épîtres de Voltaire sur des sujets de morale ne nous avoient pas suffisamment vengés. Cette réflexion, déjà si importante sous le rapport littéraire, l’est encore davantage sous ses rapports moraux et politiques : ce goût prédominant pour les poësies légères et fugitives ne peut que nourrir, dans un peuple accusé trop justement peut-être de frivolité, cette légèreté qui s’est conservée au milieu des plus terribles circonstances. C’est pour elle qu’il n’y a point eu de révolution. On nous a vus plaisanter sur des crimes atroces, dont nous n’aurions dû que frémir ; on a mis du ridicule à la place du courage ; et ce peuple