Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/45

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Joignez-y ce tracas de sotte vanité,
Et les haines naissant de la rivalité :
C’est à qui sera jeune, amant, prince ou princesse ;
Et la troupe est souvent un beau sujet de pièce.
Vous dirai-je l’oubli de soins plus importans,
Les devoirs immolés à de vains passe-temps ?
Tel néglige ses fils pour mieux jouer les pères ;
Je vois une Mérope, et ne vois point de mères :
L’homme fait place au mime, et le sage au bouffon.
Néron, bourreau de Rome, en étoit l’histrion :
Tant l’homme se corrompt alors qu’il se déplace !
Laissez donc à Molé, cet acteur plein de grâce,
Aux Fleuris, aux Sainvals, ces artistes chéris,
L’art d’embellir la scène et de charmer Paris ;
Charmer est leur devoir : vous, pour qu’on vous estime,
Soyez l’homme des champs ; votre rôle est sublime.
Et quel charme touchant ne promettent-ils pas
A des yeux exercés, à des sens délicats !
Insensible habitant des champêtres demeures,
Sans distinguer les lieux, les saisons et les heures,
Le vulgaire au hasard jouit de leur beauté :
Le sage veut choisir. Tantôt la nouveauté
Embellit les objets ; tantôt leur déclin même
Aux objets fugitifs prête un charme qu’on aime :
Le cœur vole au plaisir que l’instant a produit,
Et cherche à retenir le plaisir qui s’enfuit.