Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/61

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Sans sécher une larme épuisant son trésor,
L’autre, comme d’un poids, se défait de son or.
Quoi, ton or t’importune ? ô richesse impudente !
Pourquoi donc près de toi cette veuve indigente,
Ces enfans dans leur fleur desséchés par la faim,
Et ces filles sans dot, et ces vieillards sans pain ?
Oh ! D’un simple hameau si le ciel m’eût fait maître,
Je saurois en jouir : heureux, digne de l’être,
Je voudrois m’entourer de fleurs, de riches plants,
De beaux fruits, et surtout de visages rians ;
Et je ne voudrois pas, qu’attristant ma fortune,
La faim vînt m’étaler sa pâleur importune.
Mais je hais l’homme oisif : la bêche, les rateaux,
Le soc, tout l’arsenal des rustiques travaux,
Attendroient l’indigent, sûr d’un juste salaire,
Et chez moi le travail banniroit la misère.
C’est peu : des maux cruels troublent souvent ses jours ;
Aux douleurs, au vieil âge assurez des secours.
Dans les appartemens du logis le moins vaste
Qu’il en soit un où l’art, avec ordre et sans faste,
Arrange le dépôt des remèdes divers
A ses infirmités incessamment offerts.
L’oisif, de qui l’ennui vient vous rendre visite,
Loûra plus volontiers, de sa voix parasite,
Vos glaces, vos tapis, votre salon doré ;
Mais pour tous les bons cœurs ce lieu sera sacré.