Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/83

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Et, toujours entouré de dons ou de promesses,
Il sème, attend, recueille ou compte ses richesses.
Hélas ! Pour mes vieux jours j’attendois ces plaisirs,
Et déjà l’espérance, au gré de mes désirs,
De mon domaine heureux m’investissoit d’avance.
Je ne possédois pas un héritage immense ;
Mais j’avois mon verger, mon bosquet, mon berceau.
Dieux ! Dans quels frais sentiers serpentoit mon ruisseau !
Combien je chérissois mes fleurs et mon ombrage !
Quels gras troupeaux erroient dans mon gras pâturage !
Tout rioit à mes yeux ; mon esprit ne rêvoit
Que des meules d’épis et des ruisseaux de lait.
Trop courte illusion ! Délices chimériques !
De mon triste pays les troubles politiques
M’ont laissé pour tout bien mes agrestes pipeaux.
Adieu mes fleurs ! Adieu mes fruits et mes troupeaux !
Eh bien ! Forêts du Pinde, asiles frais et sombres,
Revenez, rendez-moi vos poétiques ombres.
Si le sort m’interdit les doux travaux des champs,
Du moins à leurs bienfaits je consacre mes chants :
Des vergers, des guérets tous les dieux me secondent ;
La colline m’écoute, et les bois me répondent.
Vous donc qui, comme moi, de ce bel art épris,
Voulez à vos rivaux en disputer le prix,
Ne vous contentez pas d’une facile gloire :
Les champs ont leurs combats, les champs ont leur victoire.