Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/89

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Là le cep obéit au fer qui le façonne ;
Ici de grappes d’or la vigne se couronne ;
Et, sans que l’eau du ciel lui dispense ses dons,
L’homme au cours des ruisseaux asservit les saisons.
Lieux charmans, où les cieux sont féconds sans nuage,
Et qui ne doivent point leur richesse à l’orage !
Tant l’art a de pouvoir ! Tant l’homme audacieux
Sait vaincre la nature et corriger les cieux !
Ne pouvez-vous encor de ces terres fangeuses
Guider dans des canaux les eaux marécageuses,
Et, donnant à Cérès des trésors imprévus,
Montrer au ciel des champs qu’il n’avoit jamais vus ?
Tantôt, coulant sans but, des sources vagabondes
À leur libre penchant abandonnent leurs ondes,
Et suivent au hasard leur cours licencieux :
Changez en long canal ces flots capricieux.
Bientôt vous allez voir mille barques agiles
Descendre, remonter sur ses ondes dociles.
Aux cantons étrangers il porte vos trésors ;
Des fruits d’un sol lointain il enrichit vos bords ;
Par lui les intérêts, les besoins se confondent,
Tous les biens sont communs, tous les lieux se répondent,
Et l’air, l’onde et la terre en bénissent l’auteur.
Riquet de ce grand art atteignit la hauteur,
Lorsqu’à ce grand travail du peuple monastique,
Dont long-temps l’ignorance honora Rome antique,