Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/92

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Il fond sur son vainqueur. Ce n’est plus un serpent,
En replis onduleux sur le sable rampant ;
C’est un taureau superbe, au front large et sauvage :
Ses bonds impétueux déchirent son rivage,
Sa tête bat les vents, le feu sort de ses yeux ;
Il mugit et sa voix a fait trembler les cieux.
Hercule, sans effroi, voit renaître la guerre,
Part, vole, le saisit, le combat et l’atterre,
L’accable de son poids, presse de son genou
Sa gorge haletante et son robuste cou ;
Puis, fier et triomphant de sa rage étouffée,
Arrache un de ses dards et s’en fait un trophée.
Aussitôt les sylvains, les nymphes de ces bords,
Dont il vengea l’empire et sauva les trésors,
Au vainqueur qui repose apportent leurs offrandes,
L’entourent de festons, le parent de guirlandes,
Et, dans la corne heureuse épanchant leurs faveurs,
La remplissent de fruits, la couronnent de fleurs.
Heureuse fiction, aimable allégorie,
Du peintre et du poète également chérie !
Eh ! Qui dans ce serpent, dans ces plis sinueux,
Ne voit des flots errans les détours tortueux,
Soumettant à nos lois leur fureur vagabonde ?
Ce taureau qui mugit, c’est la vague qui gronde :
Ces deux cornes du fleuve expriment les deux bras ;
Celle qu’arrache Alcide en ces fameux combats,