Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/106

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Vit sur ses murs détruits Marius malheureux,
Et ces deux grands débris se consoloient entre eux.

Liez donc à vos plants ces vénérables restes.
Et toi, qui m’égarant dans ces sites agrestes,
Bien loin des lieux frayés, des vulgaires chemins,
Par des sentiers nouveaux guides l’art des jardins,
Ô sœur de la peinture, aimable poésie,
À ces vieux monuments viens redonner la vie :
Viens présenter au goût ces riches accidents,
Que de ses lentes mains a dessinés le temps.

Tantôt, c’est une antique et modeste chapelle,
Saint asile, où jadis dans la saison nouvelle,
Vierges, femmes, enfants, sur un rustique autel
Venaient pour les moissons implorer l’éternel.
Un long respect consacre encore ces ruines.
Tantôt, c’est un vieux fort, qui, du haut des collines,
Tyran de la contrée, effroi de ses vassaux,
Portoit jusques au ciel l’orgueil de ses créneaux ;
Qui, dans ces temps affreux de discorde et d’alarmes,
Vit les grands coups de lance et les nobles faits d’armes
De nos preux chevaliers, des Bayards, des Henris ;
Aujourd’hui la moisson flotte sur ses débris.