Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/111

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Et ces marbres vivants, déités des vieux âges,
Où l’art seul fut divin et força les hommages ?

Je sais qu’un goût sévère a voulu des jardins
Exiler tous ces dieux des grecs et des romains.
Et pourquoi ? Dans Athène et dans Rome nourrie,
Notre enfance a connu leur riante féerie.
Ces dieux n’étoient-ils pas laboureurs et bergers ?
Pourquoi donc leur fermer vos bois et vos vergers ?
Sans Pomone, vos fruits oseront-ils éclore ?
De l’empire des fleurs pouvez-vous chasser Flore ?
Ah ! que ces dieux toujours enchantent nos regards !
L’idolâtrie encore est le culte des arts.
Mais que l’art soit parfait ; loin des jardins qu’on chasse
Ces dieux sans majesté, ces déesses sans grâce.
À chaque déité choisissez son vrai lieu.
Qu’un dieu n’usurpe pas les droits d’un autre dieu.
Laissez Pan dans les bois. D’où vient que ces Naïades,
Que ces tritons à sec se mêlent aux dryades ?
Pourquoi ce Nil en vain couronné de roseaux,
Et dont l’urne poudreuse est l’abri des oiseaux ?
Ôtez-moi ces lions et ces tigres sauvages :
Ces monstres me font peur, même dans leurs images ;