Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/22

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Là, le terrein est doux sans insipidité,
Élevé sans raideur, sec sans aridité.
Vous marchez : l’horizon vous obéit : la terre
S’élève ou redescend, s’étend ou se resserre.
Vos sites, vos plaisirs changent à chaque pas.

Qu’un obscur arpenteur, armé de son compas,
Au fond d’un cabinet, d’un jardin symétrique
Confie au froid papier le plan géométrique ;
Vous, venez sur les lieux. Là, le crayon en main,
Dessinez ces aspects, ces coteaux, ce lointain ;
Devinez les moyens, pressentez les obstacles :
C’est des difficultés que naissent les miracles.
Le sol le plus ingrat connoîtra la beauté.
Est-il nu ? que des bois parent sa nudité :
Couvert ? portez la hache en ses forêts profondes :
Humide ? en lacs pompeux, en rivières fécondes,
Changez cette onde impure ; et, par d’heureux travaux,
Corrigez à la fois l’air, la terre et les eaux :
Aride enfin ? cherchez, sondez, fouillez encore ;
L’eau lente à se trahir, peut-être est près d’éclore.
Ainsi, d’un long effort moi-même rebuté,
Quand j’ai d’un froid détail maudit l’aridité,