Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/34

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Ses sentiers ennuyés d’obéir au cordeau,
Son parterre brodé, son maigre filet d’eau,
Ses buis tournés en globe, en pyramide, en vase,
Et ses petits bergers bien guindés sur leur base.
Laissez-le s’applaudir de son luxe mesquin ;
Je préfère un champ brut à son triste jardin.

Loin de ces vains apprêts, de ces petits prodiges,
Venez, suivez mon vol au pays des prestiges,
À ce pompeux Versaille, à ce riant Marly,
Que Louis, la nature, et l’art ont embelli.
C’est là que tout est grand, que l’art n’est point timide ;
Là, tout est enchanté. C’est le palais d’Armide ;
C’est le jardin d’Alcine, ou plutôt d’un héros
Noble dans sa retraite, et grand dans son repos,
Qui cherche encore à vaincre, à dompter des obstacles,
Et ne marche jamais qu’entouré de miracles.
Voyez-vous et les eaux, et la terre, et les bois,
Subjugués à leur tour, obéir à ses lois ;
À ces douze palais d’élégante structure
Ces arbres marier leur verte architecture ;
Ces bronzes respirer ; ces fleuves suspendus
En gros bouillons d’écume à grand bruit descendus