Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/69

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Laissez-lui sa manie et son amour bizarre ;
Qu’il possède en jaloux et jouisse en avare.

Sans obéir aux lois d’un art capricieux,
Fleurs, parure des champs et délices des yeux,
De vos riches couleurs venez peindre la terre.
Venez : mais n’allez pas dans les buis d’un parterre
Renfermer vos appas tristement relégués.
Que vos heureux trésors soient partout prodigués.
Tantôt de ces tapis émaillez la verdure ;
Tantôt de ces sentiers égayez la bordure.
Formez-vous en bouquets ; entourez ces berceaux ;
En méandres brillants courez au bord des eaux,
Ou tapissez ces murs, ou dans cette corbeille
Du choix de vos parfums embarrassez l’abeille.
Que Rapin, vous suivant dans toutes les saisons,
Décrive tous vos traits, rappelle tous vos noms ;
À de si longs détails le dieu du goût s’oppose.
Mais qui peut refuser un hommage à la rose,
La rose, dont Vénus compose ses bosquets,
Le printemps sa guirlande, et l’amour ses bouquets,
Qu’Anacréon chanta, qui formoit avec grâce
Dans les jours de festin la couronne d’Horace ?