Que l’eau conserve donc la liberté qu’elle aime,
Ou changez en beauté son esclavage même.
Ainsi malgré Morel, dont l’éloquente voix
De la simple nature a su plaider les droits,
J’aime ces jeux où l’onde en des canaux pressée
Part, s’échappe et jaillit avec force élancée.
À l’aspect de ces flots qu’un art audacieux
Fait sortir de la terre et lance jusqu’aux cieux,
L’homme se dit : « c’est moi qui créai ces prodiges ».
L’homme admire son art dans ces brillants prestiges ;
Qu’ils soient donc déployés chez les grands et les rois.
Mais, je le dis encor ; loin le luxe bourgeois
Dont le jet d’eau honteux, n’osant quitter la terre,
S’élève à peine, et meurt à deux pieds du parterre.
C’est peu : tout doit répondre à ce riche ornement ;
Que tout prenne à l’entour un air d’enchantement.
Persuadez aux yeux que d’un coup de baguette
Une fée, en passant, s’est fait cette retraite.
Tel j’ai vu de Saint-Cloud le bocage enchanteur.
L’œil de son jet hardi mesure la hauteur ;
Aux eaux qui sur les eaux retombent et bondissent
Les bassins, les bosquets, les grottes applaudissent ;
Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/75
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée