Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/92

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Lassé d’errer, en vain le terme est devant moi ;
Il faut encor errer, serpenter malgré soi,
Et, maudissant vingt fois votre importune adresse,
Suivre sans cesse un but qui recule sans cesse.
Évitez ces excès ; tout excès dure peu.
De ces sentiers divers chaque genre a son lieu.
L’un conduit aux aspects dont la grandeur frappante
De loin fixe mes yeux et nourrit mon attente.
L’autre m’égarera dans ces réduits secrets
Qu’un art mystérieux semble voiler exprès.
Mais rendez naturel ce Dédale factice.
Qu’il ait l’air du besoin, et non pas du caprice.
Que divers accidents rencontrés dans son cours,
Les bois, les eaux, le sol commandent ces détours.
Dans leur forme j’exige une heureuse souplesse.
Des longs alignements si je hais la tristesse,
Je hais bien plus encor le cours embarrassé
D’un sentier qui, pareil à ce serpent blessé,
En replis convulsifs sans cesse s’entrelace,
De détours redoublés m’inquiète, me lasse,
Et, sans variété, brusque et capricieux,
Tourmente et le terrain, et mes pas et mes yeux.