Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/95

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dit, porté au bord de son cœur le visage du peuple et le sens inconnu de la vérité. Tu as été prêtre, comme une clarté de Dieu, pour celui qui n’était plus dans la vie et n’avait pas le besoin d’y être.

Que m’aurais-tu dit, si j’avais traîné derrière moi ta personne modeste et ton exaltation sublime ? Aurais-tu essayé de me parler des hommes que je connais, des petits et des grands que je méprise d’égale force et qui ne me plaisent que par leurs haines immortelles ? Tu ne m’aurais pas même parlé de Dieu, car, si tu l’avais tenté, j’en aurais parlé mieux que toi.

Personne ne m’a parlé de moi, que moi-même, et moi je ne sais pas bien qui je suis. Je crois savoir d’où je viens ; je ne sais pas où je vais. Me l’aurais-tu dit ?

Oh ! ce n’est pas toi, paysan russe, qui me l’aurais dit. Il eût fallu rencontrer une âme fière et haute, derrière des yeux inespérés, et ce n’est pas l’aspect grossier d’un pauvre qui pouvait me plaire. Je n’aime pas qu’on me parle d’humilité.

Que fera-t-il sans toi, le maître de tous ces hommes ? Heureux, puisqu’il t’avait rencontré, il retombe dans son inutilité. Tu ne l’as pas armé d’une foi qui fasse ta présence éternelle et invisible. Mais, au moins, il t’a rencontré.

Je n’ai rencontré personne. La ferveur, le