Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/124

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— L’intervention d’un être inutile tel que moi est de peu de valeur et ne mérite pas un remerciement. Pour une fois, j’ai servi à quelque chose, voilà tout… Mais votre indulgence, qui vous fait voir le bien partout, est capable d’en trouver même en moi !

Il essayait de parler ironiquement, mais une intense amertume perçait sous cette raillerie.

— Oui, j’ai cette prétention, dit-elle avec une gravité émue. Chez le plus grand criminel, je crois qu’il subsiste un point, une trace, presque imperceptible parfois, du bien primitif.

— Le croyez-vous vraiment ? dit-il pensivement. Si cela était… Mais non, votre charité vous égare. Vous parlez de criminels… Il y en a d’excusables, mais pensez-vous qu’un homme comblé de faveurs divines, possédant tous les dons désirables pour un être intelligent… et malgré cela s’enlisant dans la boue, glissant au plus profond de l’abîme…, pensez-vous que cet homme-là puisse jamais ressentir un repentir assez puissant, trouver une suffisante expiation pour être sauvé ?

Il parlait avec violence, mais d’une voix basse, aux intonations douloureuses.

— Tout est possible à la miséricorde de notre Dieu, mon oncle, répondit Alix avec ferveur.

— Dieu !… vous croyez en Dieu ? Vous êtes heureuse ! … Moi aussi, j’avais cette foi, je l’aimais, ce Dieu dont j’avais entrevu l’infinie beauté. Un jour, je lui fis une promesse… Maintenant, je suis un parjure, un misérable, et je ne crois plus… je ne peux plus croire !

Sur ces mots, prononcés d’un accent de sauvage désespoir, il s’éloigna à grands pas, saisi d’un accès de sa farouche misanthropie.

Au milieu du sentier, Mme de Regbrenz demeurait stupéfaite… Alix lui prit le bras et la ramena vers