Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/148

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toutes les ruses… Par hasard, j’appris peu après que ma sœur connaissait la maladie de la vieille femme de Ker-Mora.

» Et ce soir où je m’aventurai dans l’escalier de la tour de la Comtesse, ces degrés à demi ruinés qui devaient s’effondrer sous peu… Je montai sans crainte, car j’etais intrépide et hasardeuse ; longtemps je restai accoudée au parapet de la tour. Au bas de l’escalier, Fanche vint m’appeler pour le repas. Je descendis avec précaution, car le crépuscule tombait… Tout à coup, une marche céda sous moi, je basculai… Un bras vigoureux me saisit et je me sentis tomber, entraînée par un corps dont le heurt sur la pierre amortissait pour moi le choc. En reprenant mes sens, je me trouvai étendue au bas de l’escalier, près de Mathurine inanimée. Je n’avais que quelques contusions légères, mais ma pauvre servante était dangereusement atteinte. Ce fut ainsi, tu le sais, qu’après de longues souffrances elle demeura contrefaite.

» Accidents fortuits, diras-tu sans doute. Peut-être même m’accuseras-tu de parti pris haineux en devinant ma pensée, mes soupçons, ma certitude… Cette marche, bien que fort branlante, n’était cependant pas près de céder ; je l’avais précisément remarquée et regardée de près en montant. Évidemment, une main avait aidé au descellement de la pierre… Et Mathurine ne s’y trompa pas. Son premier cri en revenant à elle fut : « Misérable Fanche, tu ne la tueras pas !… » Fanche était l’âme damnée de ma sœur, qui exerçait sur cette faible nature une domination absolue. Saisissant l’occasion — et obéissant à un ordre ou une instigation — il était venu derrière moi, avait rapidement descellé la pierre et, redescendant, m’avait appelée sous prétexte de repas. Mais Mathurine avait depuis longtemps deviné les secrètes menées de Georgina ; elle